Tuesday, October 05, 2004

BARBU ANGHELESCU c. ROUMANIE - Communiqué du Greffier

5.10.2004
Communiqué du Greffier
ARRÊT DE CHAMBRE
BARBU ANGHELESCU c. ROUMANIE
La Cour européenne des Droits de l’Homme a communiqué aujourd’hui par écrit son arrêt[1] dans l’affaire Barbu Anghelescu c. Roumanie (requête no 46430/99).
La Cour conclut, à l’unanimité :
· à la violation de l’article 3 (interdiction des traitements dégradants) de la Convention européenne des Droits de l’Homme ;
· à la violation de l’article 3 en raison de l’absence d’enquête suffisante et effective menée par les autorités au sujet de ces traitements.
En application de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour alloue au requérant 7 000 euros (EUR) pour dommage moral.
(L’arrêt n’existe qu’en français.)
1. Principaux faits
Le requérant, Barbu Anghelescu, est un ressortissant roumain né en 1949 et résidant à Turcinesti (Roumanie).
Les faits prêtent à controverse entre les parties.
Le requérant affirme que, le 15 avril 1996, il fut arrêté au volant de sa voiture à l’occasion d’un contrôle routier. Une altercation eut lieu avec les policiers qui le contrôlaient et l’un d’eux, B., lui reprocha d’être « ivre mort », l’injuria, l’étrangla avec son foulard et le frappa.
Le Gouvernement roumain soutient quant à lui que le requérant tenta de se soustraire au contrôle d’alcoolémie et essaya de s’enfuir. Devenant agressif, il provoqua une altercation à l’issue de laquelle tant l’intéressé que les policiers furent blessés.
M. Anghelescu fut arrêté et placé en garde à vue et des prélèvements furent effectués à l’hôpital de Târgu-Jiu afin de déterminer son taux d’alcoolémie. Le lendemain, des poursuites pénales furent engagées contre lui pour atteinte à l’autorité d’un agent public et refus de se soumettre au prélèvement de produits biologiques, et le procureur ordonna sa mise en détention provisoire pour une durée de 30 jours. Il fut libéré sous caution le 25 avril 1996.
Il ressort d’un examen médical effectué le 17 avril 1996 à la demande du parquet, que le requérant présentait plusieurs lésions traumatiques essentiellement au cou : trois ecchymoses sur la partie gauche du cou dont une couverte par une excoriation, trois ecchymoses et une excoriation sur la partie droite du cou ainsi qu’une excoriation au niveau de la clavicule gauche et également au front. Selon le rapport médical, ces lésions nécessitaient quatre à cinq jours de soins médicaux.
En première instance M. Anghelescu fut condamné à un an d’emprisonnement pour atteinte à l’autorité d’un policier et infraction au code de la route. Cependant, le 18 octobre 2001, la cour d’appel de Piteşti l’acquitta aprčs avoir relevé qu’il ressortait notamment des témoignages des personnes ayant assisté ŕ la scčne que le requérant avait été agressé par B., et qu’étant donné que les policiers avaient agi abusivement, on ne pouvait lui reprocher d’avoir tenté de leur échapper.
Dans l’intervalle, en mai 1996, M. Anghelescu porta plainte contre les policiers concernés. En janvier 1998, le parquet militaire de Craiova décida d’arrêter les poursuites engagées contre B. (« scoaterea de sub urmărire penalã ») et rendit un non-lieu en ce qui concerne l’autre policier ; il estima que les policiers n’avaient pas eu l’intention d’agresser le requérant mais avaient tenté de l’empęcher de prendre la fuite. Le tribunal militaire de Timişoara accueillit le recours du requérant contre cette décision, constata que l’enquęte pénale était incomplčte et renvoya l’affaire au parquet militaire de Craiova en lui indiquant quelles investigations devaient être accomplies. Après avoir entendu les policiers accusés, le parquet militaire rendit un non-lieu en septembre 2002. Il ressort des pièces du dossier d’enquête, qu’aucun autre acte d’enquête ne fut accompli dans l’affaire.
2. Procédure et composition de la Cour
La requête a été introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 11 mars 1998 et transmise à la Cour le 1er novembre 1998. Elle a été déclarée partiellement recevable le 2 décembre 2003.
L’arrêt a été rendu par une chambre de 7 juges composée de :
Jean-Paul Costa (Français), président,András Baka (Hongrois),Loukis Loucaides (Cypriote),Corneliu Bîrsan (Roumain),Karel Jungwiert (Tchèque),Mindia Ugrekhelidze (Géorgien),Antonella Mularoni (Saint-marinaise), juges,ainsi que de Sally Dollé, greffière de section.
3. Résumé de l’arrêt[2]
Griefs
Invoquant 3 de la Convention, le requérant dénonçait les traitements infligés par les policiers lors du contrôle routier.
Décision de la Cour
Sur l’allégation de mauvais traitements
La Cour relčve que la cour d’appel de Piteşti a estimé que le requérant avait été agressé par les policiers, agissant abusivement, et l’a en conséquence acquitté. Par contre, les investigations menées par le parquet militaire contre les policiers ont abouti à une conclusion radicalement différente, celui-ci ayant estimé que les policiers n’avaient pas eu l’intention d’agresser l’intéressé. Or, cette conclusion a été infirmée par le tribunal militaire de Timişoara qui demanda que des investigations supplémentaires soient menées, et en dépit de cela, aucun complément d’enquęte ne fut mené et un non-lieu fut prononcé.
Dès lors, la Cour ne saurait retenir les conclusions du parquet exposées dans le non-lieu de septembre 2002. Compte tenu des éléments en sa possession, elle estime que les policiers mis en cause avaient été les premiers à agresser le requérant, sans que le recours à la force soit rendu nécessaire par son comportement. Par ailleurs, elle estime qu’aucun élément convaincant ne l’amène à s’écarter des constatations faites par les juges de la cour d’appel.
En conséquence, elle estime que M. Anghelescu a subi un traitement contraire à l’article 3. Ce dernier a subi des blessures légères n’ayant pas engendré de conséquences graves ou de longue durée sur son état de santé ; les faits qu’il dénonce sont donc constitutifs d’un traitement dégradant et la Cour conclut à la violation de l’article 3 de la Convention de ce fait.
Sur le caractère adéquat des investigations menées par les autorités roumaines
La Cour note en premier lieu que l’indépendance des procureurs militaires qui ont mené l’enquête à l’égard des policiers peut être mise en doute eu égard à la réglementation nationale en vigueur à la date des faits. Ils sont des officiers actifs, au même titre que les policiers, et à l’époque des faits faisaient partie de la structure militaire fondée selon le principe de la subordination hiérarchique.
Par ailleurs, la Cour estime particulièrement frappant que le parquet militaire n’a nullement pris en considération les indications données par le tribunal militaire de Timişoara lui demandant d’effectuer des investigations complémentaires.
Dans ces circonstances, la Cour estime que les autorités roumaines n’ont pas mené d’enquête approfondie et effective au sujet de l’allégation du requérant selon laquelle les policiers lui ont infligé des mauvais traitements. Dès lors, elle conclut à la violation de l’article 3 de la Convention sur ce point également.
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Les arrêts de la Cour sont disponibles sur son site Internet (http://www.echr.coe.int).
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La Cour européenne des Droits de l’Homme a été créée à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950. Elle se compose d’un nombre de juges égal à celui des Etats parties à la Convention. Siégeant à temps plein depuis le 1er novembre 1998, elle examine en chambres de 7 juges ou, exceptionnellement, en une Grande Chambre de 17 juges, la recevabilité et le fond des requêtes qui lui sont soumises. L’exécution de ses arrêts est surveillée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. La Cour fournit sur son site Internet des informations plus détaillées concernant son organisation et son activité.

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