DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE NOTAR c. ROUMANIE
(Requête no 42860/98)
ARRÊT
(Règlement amiable)
STRASBOURG
20 avril 2004
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Notar c. Roumanie,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président, A.B. Baka, L. Loucaides, C. Bîrsan, K. Jungwiert, V. Butkevych, Mme A. Mularoni, juges,et de M. T.L. Early, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 23 mars 2004,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 42860/98) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Gheorghe Notar (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 30 mars 1998 en vertu de l'ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté par Mme M. Macovei, avocate à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. B. Aurescu, Sous-secrétaire d'Etat.
3. Le requérant alléguait avoir été victime d'une violation des articles 3 et 13 de la Convention, compte tenu de mauvais traitements qu'il aurait subis aux mains de la police et des gardiens du Centre d'accueil et de tri des mineurs de Tg. Mures et en raison de l'absence alléguée d'une enquête effective, propre à conduire à l'identification et à la punition des responsables. Il se plaignait également, au titre de l'article 5 §§ 1 - 5 de la Convention, de ne pas avoir été arrêté et détenu « régulièrement » et « selon les voies légales », de ne pas avoir été informé dans le plus court délai des raisons de son arrestation et des charges qui pesaient contre lui, de ne pas avoir été aussitôt traduit devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer les fonctions judiciaires, de ne pas avoir bénéficié qu'un tribunal statue, à bref délai, sur la légalité de sa détention, et de l'absence d'un droit à la réparation pour sa détention dans des conditions contraires aux paragraphes 1 - 4 de la disposition précitée.
Il alléguait en outre une violation de l'article 6 § 1 de la Convention découlant de son impossibilité alléguée de demander des dommages-intérêts des chefs de détention illégale et de mauvais traitements, ainsi qu'une atteinte à son droit à la présomption d'innocence, au sens de l'article 6 § 2 de la Convention, en ce que son identité aurait été révélée lors d'une émission de télévision pendant laquelle il aurait été traité d'auteur d'une infraction, alors que sa culpabilité n'avait pas encore été légalement établie. Il alléguait, enfin, une entrave à son droit de recours individuel, au sens de l'article 34 de la Convention, eu égard, notamment, à une visite des policiers à son domicile et à la convocation au poste de police des membres de sa famille et des personnes se trouvant chez lui lors de cette visite.
4. La requête a été attribuée à la première section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement.
5. Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la deuxième section ainsi remaniée (article 52 § 1).
6. Par une décision du 13 novembre 2003, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.
7. Par lettre du 13 janvier 2004, la partie requérante informa le greffe de la Cour (« le greffe ») qu'à la suite des pourparlers qu'elle avait eus avec l'agent du Gouvernement et des propositions que ce dernier lui avait faites, elle était disposée à régler l'affaire de façon amiable.
8. Le 5 février 2004, après un échange de correspondance entre le greffe et le Gouvernement, celui-ci confirma les termes de la proposition de règlement amiable dont il s'agissait, et fournit une déclaration formelle en ce sens, signée par son agent.
9. Le 19 février 2004, le requérant confirma, sur demande du greffe, qu'il acceptait la proposition de règlement amiable de l'affaire, telle qu'elle était libellée dans la déclaration du Gouvernement du 5 février 2004.
EN FAIT
10. Le requérant est un ressortissant roumain né en 1979 et résidant à Tg. Mures.
1. L'arrestation du requérant
a) Thèse du requérant
11. Le 7 juillet 1996, le requérant et trois autres mineurs, soupçonnés d'avoir commis un vol avec violence à l'encontre du mineur V.A., furent appréhendés par les policiers N.I. et M.D. Pendant le trajet vers le bureau de police, ils furent frappés par les deux policiers.
12. Les mineurs et la victime V.A. furent amenés dans une pièce, accompagnés par le policier M.D. La victime V.A. nia toute implication du requérant dans l'incident.
13. Prévenus par la famille M., les parents du requérant se rendirent au poste en début de soirée. L'officier de service leur dit que leur fils avait commis un crime et qu'il n'était pas possible de le voir.
14. Le requérant et les trois autres mineurs furent interrogés par M.D. et N.I., qui leur dictèrent ce qu'ils devaient écrire. Le requérant se vit obligé de réécrire sa déclaration à plusieurs reprises, étant continuellement battu, vu qu'aucune de ses déclarations ne semblait convenir aux policiers. L'interrogatoire se déroula en l'absence d'un avocat.
15. Vers 20 h, la mère du requérant, à laquelle on avait enfin donné la permission de voir son fils pour quelques minutes, entra dans la pièce où se trouvaient les mineurs et vit sur la tête, le visage et les bras du requérant des traces de violence physique.
16. Le requérant et les autres mineurs furent embarqués par la suite dans une voiture de police et conduits au Centre d'accueil et de tri des mineurs de Tg. Mures (ci-après « le Centre »). La police rédigea une lettre d'accompagnement à l'intention du Centre, mentionnant que les mineurs avaient accosté des passants dans la rue. Cette lettre ne fut pas enregistrée dans les registres de la police et n'était pas datée.
b) Thèse du Gouvernement
17. Le Gouvernement conteste le fait qu'après l'incident du 7 juillet 1996, les policiers auraient employé des moyens violents afin d'appréhender le requérant et les autres mineurs impliqués dans le vol avec violence à l'égard de V.A. Selon le Gouvernement, dès que les policiers en furent alertés par un témoin, ils se déplacèrent sur les lieux, immobilisèrent les auteurs présumés de l'infraction et les amenèrent ensuite au poste de police.
18. Le requérant et les autres mineurs soupçonnés d'avoir commis des infractions ne furent pas frappés après avoir été amenés au poste de police. Les policiers ne firent rien d'autre qu'attirer leur attention sur le fait qu'ils devaient dire la vérité et prendre ensuite leurs dépositions.
2. Le placement du requérant au Centre pour la protection des mineurs
a) Thèse du requérant
19. Dans la nuit du 7 au 8 juillet 1997, à une heure qui ne saurait être précisée entre 22 h du soir et 6 h du matin, le requérant et les autres mineurs furent placés au Centre. A leur arrivée, ils furent obligés de se faire raser la tête, d'échanger les vêtements avec ceux fournis par le Centre, de prendre une douche à l'eau froide et de se faire laver avec du gazole.
20. Le 8 juillet 1997, au matin, le gardien D.L. du Centre leur donna des coups de poing et de pieds, en leur disant que cela n'était que le début.
21. Le même jour, vers midi, les parents du requérant, après avoir obtenu de la part de l'officier de police O.D. une permission de voir leur fils pendant quelques minutes, se rendirent au Centre. Accompagnés par M.R., une employée du Centre, ils virent leur fils et constatèrent des traces de violence sur son corps. Le père du requérant demanda alors à M.R. que son fils soit examiné par un médecin, mais M.R. refusa, en lui expliquant que le Centre ne disposait pas de personnel médical et que le règlement interdisait qu'un médecin extérieur au Centre examine les mineurs placés.
22. Le 9 juillet 1996, le requérant et les autres mineurs furent amenés au poste de police pour un nouvel interrogatoire. Ils n'étaient pas représentés par un avocat. Le policier qui les interrogeait les aurait obligés à se frapper réciproquement chaque fois que la réponse de l'un d'entre eux ne convenait pas au policier. Si l'un d'entre eux ne frappait pas l'autre assez fort, le policier intervenait, en le frappant lui-même.
23. Ensuite, ils furent amenés dans une salle de conférences où se trouvaient rassemblés plusieurs policiers. Ils furent tout d'abord alignés devant les policiers, qui prenaient des notes, ensuite filmés par Anténa 1, une chaîne de télévision locale (ci-après « la chaîne A. »), et, enfin, photographiés de face et de profil. Ils furent reconduits par la suite auprès du Centre. Le consentement du requérant ou de son père pour le film en question n'a jamais été demandé et ils ne l'ont jamais exprimé.
24. Le 9 juillet 1996, au soir, l'enregistrement avec les mineurs fut diffusé à la télévision, dans une émission de la police traitant du problème de la délinquance juvénile. Plusieurs amis de la famille du requérant virent l'émission, l'un d'entre eux déclarant avoir vu des traces de violence physique sur le corps du requérant. Ils faisaient état en outre de ce que, pendant l'émission, qui dura une vingtaine de minutes, le présentateur avait révélé l'identité du requérant et avait mentionné qu'il avait commis un vol avec violence.
25. Le 9 juillet 1996 et les trois jours suivants, le requérant et les autres mineurs furent battus à nouveau par les gardiens du Centre, qui leur donnèrent des coups de poing ou des gifles. Chaque soir, ils étaient obligés de prendre une douche froide et, un soir, ils furent amenés dehors, où ils durent faire des « pompes ».
26. Le 12 juillet 1996, le requérant et les autres mineurs, après avoir repris leurs habits, furent envoyés au poste de police, où ils furent libérés.
27. Ils ne furent pas examinés par un médecin lors de leur placement au Centre.
28. Le 26 juillet 1996, la Commission pour la protection de l'enfant près le Conseil départemental de Mureş adopta une décision par laquelle, en conformité avec l'article 1 d) de la Loi no 3/1970, elle autorisa rétroactivement l'internement du requérant et des autres mineurs dans le Centre, pour une durée de cinq jours à compter du 7 juillet 1996, au motif qu'ils étaient prédisposés à commettre des infractions.
b) Thèse du Gouvernement
29. Le 7 juillet 1997, vers 23 h, le requérant fut placé au Centre, où il fut soumis à un ensemble de mesures d'hygiène et de désinfection.
30. Vers 23 h 30, le père du requérant se vit interdire l'accès au Centre par le gardien T.P., qui lui expliqua que le règlement ne permettait pas des visites pendant la nuit et lui conseilla de revenir le lendemain matin.
31. Le Gouvernement conteste que le requérant aurait eu la tête rasée, qu'il aurait été frappé et qu'il aurait été soumis à des douches froides. Il renvoie à une lettre datée du 21 mai 2001, adressée au préfet de Mureş par le Centre et la Direction générale pour la protection de l'enfant, qui mentionnait ce qui suit :
« au Centre, l'enfant ne s'est pas vu la tête rasée et n'a pas été obligé de prendre des douches froides ; lors de son placement, l'enfant a été « hygiénisé », débarrassé de ses parasites [« déparasité »] et s'est vu fournir l'équipement nécessaire (...) le mineur, ses parents ou I.H. n'ont pas demandé de manière officielle auprès de la direction du Centre le droit à ce que le requérant soit consulté par un médecin ».
32. Le Gouvernement ne conteste pas le fait que le requérant et les autres mineurs n'ont pas été examinés par un médecin pendant la durée de leur internement au Centre.
33. L'émission enregistrée le 9 juillet 1996 auprès du poste de police et sa transmission sur la chaîne de télévision A. auraient été réalisées avec le consentement du requérant et avec l'accord préalable de l'Inspectorat de police de Tg. Mures.
3. La procédure pénale à l'encontre du requérant pour vol avec violence
34. Le 15 juillet 1996, le requérant fut convoqué à la police de Tg. Mures, où, assisté par un avocat, et en présence de l'un de ses parents, il fut informé qu'il était soupçonné d'avoir commis un vol avec violence, infraction punie par l'article 211 du Code pénal. Le requérant déclara qu'il se considérait innocent, car il avait seulement assisté aux faits commis par d'autres mineurs.
35. Le 15 juillet 1996, la Police de Tg. Mures demanda au procureur l'ouverture de poursuites pénales à l'encontre du requérant et demanda à ce qu'il soit mis en détention provisoire, car il représentait un danger public. Le même jour, le requérant fut convoqué au Parquet près le tribunal de première instance de Tg. Mures, où, en présence d'un avocat, il prit connaissance du contenu de son dossier et où il clama à nouveau son innocence. Le procureur ne plaça pas le requérant sous mandat de dépôt, comme la police l'avait proposé.
36. Le 9 décembre 1996, la police de Tg. Mures clôtura l'enquête concernant le vol commis le 7 juillet 1996 et proposa au Parquet le renvoi en jugement du requérant.
37. Par réquisitoire du 17 février 1997, le Parquet près le tribunal départemental de Mureş prononça un non-lieu à son encontre, en application de l'article 10 d) du Code de procédure pénale (« le C.P.P. »), en retenant qu'il n'avait pas commis d'infraction.
4. La plainte pénale du requérant pour mauvais traitements et détention illégale
38. Le 16 juillet 1996, le père du requérant déposa auprès du Parquet militaire de Tg. Mures une plainte contre les policiers N.I. et M.D. et contre les gardiens du Centre, les accusant d'avoir battu et maltraité son fils entre le 7 et le 12 juillet 1996. Il se plaignait aussi de l'illégalité de la détention de son fils, en l'absence d'un mandat de dépôt, ainsi que du refus des employés du Centre de le faire examiner par un médecin.
39. Le 17 juillet 1996, H.V., médecin légiste du laboratoire de médecine légale de Tg. Mures, examina le requérant sur demande du Parquet. Son rapport d'expertise, daté du 17 juillet 1997, mentionnait que le mineur ne présentait pas de lésions traumatiques évidentes qui nécessitaient un traitement médical. Il faisait état en outre de ce que le requérant accusait des douleurs au niveau de la boîte crânienne et du thorax dorsal bilatéral.
40. Par résolution du 19 décembre 1996, le Parquet militaire près le tribunal territorial militaire de Bucarest rendit un non-lieu au bénéfice des deux policiers N.I. et du M.D. sur le fondement de l'article 10 d) du C.P.P., au motif que les faits qui leur étaient reprochés n'existaient pas.
41. Par résolution du 26 février 1997, le colonel magistrat V.D., procureur militaire près la Section des Parquets militaires, confirma la résolution du 19 décembre 1996 dans la partie concernant le non-lieu prononcé à l'égard des policiers N.I. et M.D., solution qu'il qualifia de correcte. Constatant toutefois que les dispositions du C.P.P. relatives à l'arrestation et à la mise en détention provisoire du requérant n'avaient pas été respectées, il ordonna le renvoi du dossier au Parquet hiérarchiquement inférieur et l'ouverture de poursuites pénales contre ceux qui l'avaient illégalement placé en détention.
42. Par résolution du 21 mai 1997, le Parquet militaire près le tribunal militaire territorial de Bucarest prononça un non-lieu au bénéfice du lieutenant de police P.F. et des sous‑officiers N.I. et M.D. du chef de privation illégale de liberté du requérant.
5. La visite des policiers chez le requérant et la procédure pénale pour violation de domicile
43. Le 24 mars 1998, le père du requérant saisit le Parquet militaire de Tg. Mures d'une plainte pénale à l'encontre des deux policiers, les accusant de violation de domicile et de conduite abusive, infractions prohibées respectivement par les articles 192 et 250 du Code pénal.
44. Une enquête fut ouverte par le Parquet à la suite de cette plainte pénale. Le 12 mai 1998, le père du requérant confirma, lors de son audition par le Parquet, que les deux policiers lui avaient notifié, le 16 mars 1998 vers 13 h, devant l'entrée de sa maison, un mandat de comparution émis par le tribunal de Tg. Mures en vue d'une audience du 18 mars 1998 à laquelle il était convoqué. Il faisait valoir qu'après avoir apposé sa signature sur le verso du mandat, les policiers l'avaient poussé, avaient pénétré à l'intérieur de la maison, en dépit de son refus manifeste de les laisser entrer, et avaient demandé aux personnes se trouvant chez lui de présenter leurs pièces d'identité. Il déclara également que les policiers lui avaient dit qu'ils n'avaient pas besoin d'un mandat pour pénétrer chez lui le soir, avant 22 h, et que la police serait bienveillante à son égard s'il retirait sa requête à Strasbourg. Il souligna, enfin, qu'il avait la certitude d'être harcelé en permanence par les organes de police et demanda que ce fait ne se reproduise plus.
45. Le 2 juin 1998, les deux policiers furent entendus par le Parquet militaire de Tg. Mures. Ils confirmèrent avoir notifié au père du requérant, le 16 mars 1998, un mandat de comparution émis par le tribunal de Tg. Mures. Ils indiquèrent en outre qu'ils étaient entrés ensuite dans la maison du requérant au motif qu'ils avaient entendu plusieurs voix venant de l'intérieur et compte tenu aussi des réclamations qu'ils avaient reçues auparavant au sujet des personnes qui fréquentaient l'immeuble en question. Ils déclarèrent également qu'ils avaient vu à l'intérieur plusieurs personnes regarder un film pornographique, qu'ils leur avaient demandé une pièce d'identité et leur avaient dressé une convocation en vue de se présenter au siège de la police deux jours plus tard. Les policiers nièrent avoir poussé le requérant pour rentrer chez lui ou avoir eu des discussions au sujet d'une requête que lui ou son père aurait introduite à Strasbourg.
46. Les 29 mars, 10, 18 et 26 juin 1998, six personnes se trouvant chez le requérant au moment de l'incident du 16 mars 1998 furent entendues comme témoins par le Parquet. Ils indiquaient avoir vu rentrer les deux policiers chez le requérant, le 16 juin 1998, pendant qu'ils regardaient un film à la télévision. Ils confirmèrent en outre avoir été requis par les policiers de présenter leurs pièces d'identité et avoir été convoqués par la suite au poste de police. Ils déclarèrent aussi qu'ils n'avaient pas entendu les policiers menacer le requérant et que ces derniers étaient partis lorsque le père du requérant leur avait demandé de quitter sa maison. Aucune mention ne figure dans leurs déclarations au sujet d'une requête qu'aurait introduite le requérant à Strasbourg.
47. Le 31 juillet 1998, le père du requérant déclara devant le Parquet qu'il retirait la plainte pénale du 24 mars 1998 à l'encontre des policiers et qu'il revenait sur les déclarations qu'il avait faites antérieurement, au motif que l'incident du 16 mars 1998 n'avait pas eu l'ampleur qu'il lui avait donnée initialement. Il faisait valoir que c'était lui qui avait accepté que les deux policiers rentrent dans sa maison.
48. Par résolution du 20 octobre 1998, le Parquet militaire de Tg. Mures décida le non-lieu à l'égard des deux policiers, s'appuyant notamment sur la déclaration du père du requérant du 31 juillet 1998, qui revenait sur sa déposition antérieure, et sur les déclarations des autres témoins et des policiers. Il retint que les deux policiers s'étaient rendus chez le père du requérant afin de l'informer de son obligation de se présenter à l'audience du 18 mars 1998 et de lui notifier le mandat émis en ce sens par le tribunal de Tg. Mures, et qu'ils étaient sortis de sa maison sur sa demande.
EN DROIT
49. Le 5 février 2004, la Cour a reçu du Gouvernement la déclaration suivante :
« 1. Je déclare qu'en vue d'un règlement amiable de l'affaire ayant pour origine la requête no 42860/98, le Gouvernement roumain offre de verser ex gratia au requérant la somme de 40 000 EUR (quarante mille euros). Le Gouvernement offre également de verser au requérant 875 EUR (huit cent soixante-quinze euros) à titre de préjudices matériels, ainsi que 8 712,66 EUR (huit mille sept cent douze euros et soixante-six centimes) pour frais et dépens, payables directement à son avocate, conformément au contrat qu'elle a conclu le 3 novembre 2003 avec le requérant.
Cette somme ne sera soumise à aucun impôt ni à une quelconque autre charge fiscale et sera versée en euros, à convertir en lei roumains au taux de change applicable à la date du versement, sur un compte bancaire indiqué par le requérant et par ses représentants dûment autorisés. Le versement s'effectuera dans les trois mois suivant la date du prononcé de l'arrêt de la Cour rendu conformément à l'article 39 de la Convention européenne des Droits de l'Homme. A compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au règlement effectif de la somme en question, le Gouvernement s'engage à payer un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage. Ce paiement vaudra règlement définitif de l'affaire.
2. Le Gouvernement s'engage à initier un processus de réforme de la législation existante en matière de droit de timbre, afin que les actions civiles en dommages‑intérêts des chefs des traitements contraires à l'article 3 de la Convention en soient exemptées.
3. Le Gouvernement prendra les mesures nécessaires afin d'informer les forces de police sur la manière appropriée de se conduire en vue d'assurer le respect de la présomption d'innocence, au sens du second paragraphe de l'article 6 de la Convention.
4. Le Gouvernement continuera à déployer des efforts dans le domaine de la protection de l'enfant en difficulté, conformément à ses engagements pris à travers la législation et les stratégies adoptées au niveau national (l'ordonnance du Gouvernement no 26/1997 sur la protection de l'enfant en difficulté, approuvée par la loi no 108/1998, et la décision du Gouvernement no 539 du 7 juin 2001 sur la stratégie en matière de protection de l'enfant en difficulté) qui remplacent entièrement la législation en vigueur à l'époque des faits de l'espèce.
5. Le Gouvernement considère que la supervision, par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, de l'exécution de l'arrêt de la Cour constitue un mécanisme approprié pour garantir que des progrès continueront à être faits dans ce domaine.
6. Enfin, le Gouvernement s'engage à ne pas demander le renvoi de l'affaire à la Grande Chambre conformément à l'article 43 § 1 de la Convention après que la chambre rende son arrêt. »
50. Cette déclaration était accompagnée d'une lettre par laquelle le Gouvernement fait valoir que la législation existante à l'époque des faits, qui régissait les conditions dont bénéficiaient les mineurs au cours de leur placement au Centre d'accueil de Tg. Mures ou à d'autres établissements similaires, a d'ores et déjà été modifiée. Il souligne qu'une Commission départementale pour la protection de l'enfant et un Service public spécialisés, créés en vertu de l'ordonnance du Gouvernement no 26/1997 sur la protection de l'enfant en difficulté, approuvée par la loi no 108/1998, assurent désormais aux mineurs placés un environnement familial approprié. Le Gouvernement indique, inter alia, qu'il est loisible aux parents de maintenir un contact direct et permanent avec leur enfant mineur placé et s'engage à poursuivre le processus de réforme en la matière.
51. Le 19 février, la Cour a reçu de la part de la représentante du requérant une lettre rédigée en ces termes :
« Je confirme que le requérant accepte le règlement amiable de l'affaire tel qu'il est proposé par le Gouvernement. »
52. La Cour prend acte du règlement amiable auquel sont parvenues les parties (article 39 de la Convention). Elle est assurée que ce règlement s'inspire du respect des droits de l'homme tels que les reconnaissent la Convention ou ses Protocoles (articles 37 § 1 in fine de la Convention et 62 § 3 du règlement).
53. Partant, il convient de rayer la requête du rôle.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Décide de rayer la requête du rôle ;
2. Prend acte de l'intention des parties (implicite de la part du requérant) de ne pas demander le renvoi de la requête à la Grande Chambre.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 avril 2004 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
T.L. Early J.-P. Costa Greffier adjoint Président
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